Workshop doctoral interdisciplinaire
La réflexion sur les phénomènes de vulnérabilité et les processus d’exclusion qui y sont souvent associés chez ceux qui vivent dans la grande précarité, l’exil, le racisme, l’homophobie ou la folie, pour ne citer que quelques exemples, nous a permis de relier le problème implicite de tout projet d’intégration ou d’assimilation à celui de la manière d’occuper l’espace et d’entrer en relation avec autrui. Nous pouvons donc affirmer aujourd’hui que pour faire face à la vulnérabilité et éviter l’exclusion, il faut créer des conditions capables de favoriser la rencontre avec l’altérité. Plutôt que d’exiger l’assimilation à un système normatif, il s’agit de découvrir les différentes manières de vivre ensemble, d’entrer en relation avec notre environnement physique et affectif, pour donner naissance à un espace et à un temps communs, où chacun découvre quelque chose (de soi, de ce qui est resté invisible dans notre relation à l’environnement) dans les manières de l’autre.
Dans notre travail avec ces personnes, nous devons développer une forme de sensibilité à l’environnement physique et sensoriel dans lequel nous évoluons, à la polyphonie qui compose cet espace et aux subtiles variations de tonalité affective que peut provoquer la présence simultanée de certains objets et de certaines personnes dans un lieu donné. Ce n’est que dans cette résonance entre deux personnes différentes que l’on peut découvrir ce qui rythme les mouvements de l’autre, les points de repère autour desquels son attention s’organise, pour que la rencontre puisse avoir lieu et donner lieu à un espace et un temps communs.
Selon Hartmut Rosa, la résonance se produit lorsque deux entités différentes entrent en contact pour agir réciproquement, l’une sur l’autre, mais chacune s’exprimant avec sa propre voix, sa propre tonalité. Ce son de retour, qui nécessite la reconnaissance d’une certaine dissonance, ou d’une polyphonie, n’est pas un simple écho : la résonance n’est pas la production d’une sonorité unique, d’une voix représentant un ensemble de sujets, mais la création d’un type spécifique de relation entre le sujet et le monde, fondé sur la reconnaissance de l’altérité.
La condition de la production de la résonance est l’ouverture à la différence à laquelle nous expose la présence de l’autre. Pour Rosa, les constructions culturelles et sociétales dans lesquelles évolue notre rapport à l’environnement physique et affectif déterminent le fonctionnement au sein d’une série de structures et de processus habituels, totalement artificiels, mais qui nous procurent une certaine sécurité. Rosa oppose ainsi les rythmes naturels (jour/nuit, saisons) aux rythmes artificiels (les minutes de l’horloge, le jour de la semaine du calendrier), affirmant que la résonance dépend de certains défauts de la structure habituelle dans laquelle évolue notre vie quotidienne. Ces failles se situent au niveau infra-langagier, lorsque les rythmes naturels convergent avec les rythmes artificiels, produisant de nouvelles façons de se relier à l’espace et au temps dans la vie quotidienne, nous permettant ainsi de sortir des constructions purement rationnelles sur lesquelles repose notre vie culturelle et sociétale.
L’objectif de l’atelier serait de développer un outil capable de mobiliser notre attention sur certains aspects de notre corps, de l’espace, du temps, des objets et des personnes qui occupent également l’espace que nous partageons, afin de nous ouvrir à la rencontre avec l’altérité au-delà des aspects intelligibles et logiques, dans une approche proche de celle de la Stimmung (Freud) ou des notions d’environnement (Oury, Bégout) ou de milieu (Deligny). Ainsi, les musiciens de la compagnie « D’un instant à l’autre » nous proposeront des formes mélodiques propices à la rêverie afin de nous aider à développer un rapport spécifique à l’intime à travers une mise en disponibilité corporelle destinée à percevoir l’espace intérieur et extérieur, à écouter les rythmes individuels et collectifs, les impulsions communes et les élans de mouvement.
Les présentations des problématiques de recherche des participants à ce workshop s’organiseront autour de ces moments de travail sur l’espace, les rythmes, la sonorité et les perceptions corporelles et nous permettront de constituer un groupe de travail destiné à trouver une continuité à travers un séminaire mensuel et une publication commune de cette expérience.
Sont invités à communiquer dans le cadre de ce workshop et à bénéficier de cette expérience de formation les doctorants, jeunes chercheurs ou praticiens de toutes disciplines, développant une réflexion autour des difficultés de la rencontre de l’altérité dans le domaine des souffrances psychiatriques (psychoses, autisme, mélancolie), des toxicomanies, dans l’exclusion associée à la grande précarité et aux migrations/exiles, des problématiques lgbtqia+, des phénomènes de racialisation, des situations de réclusion et de confinement, des pratiques cliniques dans le terrain des pathologies somatiques, de réanimation ou de fin de vie.
Les propositions de communication devront être rédigées en Français ET en Anglais en format WORDS dans un document d’un maximum de 7000 signes espaces compris (3500 signes appx pour chaque version) et devront être reçues au plus tard le25 mars. Elles seront examinées par un comité scientifique pluridisciplinaire, composé par les membres du directoire du Centre d’Etudes du Vivant. Elles seront envoyées à l’adresse : cev.ihss@u-paris.fr