L’aventure du Centre d’Études du Vivant

C’est bien une aventure intellectuelle que celle du Centre d’études du vivant. Elle a été rendue possible par la richesse de notre université, laquelle au moment où le CEV a été imaginé, comprenait le déploiement le plus large des disciplines du savoir, avec deux Facultés de médecine, des disciplines scientifiques allant des mathématiques à la Physique du Globe et à la biologie, en passant par l’informatique théorique et des UFR de Sciences humaines et sociales représentant un éventail de disciplines très variées : lettres modernes et classiques, histoire, géographie, Institut d’anglais (Charles V), sciences sociales, philosophie des sciences, cinéma, psychanalyse, et deux départements de droit et d’économie politique.

L’idée initiale en revient à Pierre Fédida, aujourd’hui disparu, philosophe et psychanalyste qui a convaincu quelques collègues de l’accompagner dans ce projet. Elle répondait à l’envie de nombreux enseignants chercheurs de cette Université, d’ouvrir très librement le dialogue entre les disciplines et de prendre pour objet central de leurs réflexions croisées, la notion de « vivant ». C’est ainsi qu’en 1993, sous la Présidence de Jean-Pierre Dedonder, a été ouverte cette possibilité d’exercer la liberté académique dans un cadre inédit favorisant les échanges, dans des conditions dénuées des pesanteurs administratives et des risques de rivalité naissant des pouvoirs institutionnels.

L’originalité unique, de cette expérience, tenait à développer une pratique de l’interdisciplinarité dans son champ le plus large. Il ne s’agissait pas, comme cela est la conception courante, de faire dialoguer des disciplines voisines (histoire et géographie, sociologie et droit, philosophie et sciences naturelles). Il s’agissait de s’aventurer sur le terrain plus difficile du croisement entre toutes les disciplines, avec l’exigence préalable de sortir des catégories de la pensée dont on est familier, pour nouer le dialogue avec ceux qui travaillent à partir de catégories peu familières.

Le Centre se voulait une structure administrative très légère, qui ne tendait à devenir, ni une UFR en charge de distribuer des enseignements assortis de diplômes, ni un Centre de recherches classique, contraint de publier des « résultats » de la recherche correspondant à la réalisation de « programmes » définis par avance et sous le contrôle des instances universitaires et nationales. Piloté par un Directoire auto-constitué et doté d’un simple secrétariat et d’un budget très modeste, le CEV, avec l’enthousiasme des participants, a connu des années d’échanges intellectuels intenses. Après quelques hésitations, il fut décidé par l’Université de le ranger dans la catégorie des « Services communs » de l’Université. Pierre Fédida en fut le premier directeur suivi par Dominique Thouvenin, un nouveau mandat de Pierre Fédida, suivi de Monique David-Menard, puis de Jean-Claude Ameisen et aujourd’hui de Derek Humphreys.

Les uns et les autres, proposaient des séminaires qu’ils tenaient sur des sujets divers en relation avec le « vivant ». L’annonce de ces séminaires très largement diffusée, permettait que des publics importants et d’origine variée en soient les participants, qu’il s’agisse d’étudiants de différentes maîtrises de Paris VII ou d’autres universités, ou de personnes du grand public intéressées par les thèmes retenus.

L’ensemble des collègues du Directoire ont mené à plusieurs reprises des séminaires communs comprenant sur une année universitaire plusieurs séances. On prendra ici pour exemples le séminaire sur « la sociobiologie », ou celui sur « l’identité » en encore celui sur les « battements du temps ». Ils ont réuni des publics importants. Ils étaient pour ceux qui ont travaillé ainsi ensemble, des moments rares, à la fois par la difficulté de l’exercice et par la richesse des échanges alors provoqués.

En collaboration avec l’Association Diderot qui avait été créée par le philosophe Dominique Lecourt, des conférences d’une soirée furent organisées regroupant, des philosophes, des scientifiques, des juristes échangeant à partir de leurs recherches et de leurs interrogations autour d’un même thème. Intitulées Forum Diderot, ces conférences firent l’objet de publications aux PUF.

On citera parmi ces publications :

  • Fin de la vie, qui en décide ? (Novembre 1996)
  • La pensée est-elle le produit de la sélection naturelle (Novembre 1996)
  • La sexualité a-t-elle un avenir ? (Décembre 1997)
  • Vers de nouvelles maladies (Avril 1998)
  • Demain, les psychotropes ? (Avril 1998)
  • Les sciences humaines sont-elles des sciences de l’homme ? (Avril 1998)
  • Est-ce qu’on naît fou ? (Février 1999)
  • Les médecins doivent-ils prescrire des drogues ? (Mai 1999)
  • La dépression est-elle passée de mode ? (Octobre 1999)
  • De la différence des sexes entre les femmes. (Février 2000)
  • Peut-on être vivant en Afrique ? (Avril 2000)

Après quelques années, le Centre d’études du Vivant fut confronté en dépit de son dynamisme à la nécessité de rentrer dans une catégorie administrative différente de celle de service commun qui l’avait abrité jusqu’ici, le Rectorat de Paris, autorité de tutelle, ayant considéré qu’il ne pouvait perdurer sans des statuts plus précis. Mais la situation évolua par le fait que se trouvait créé à Paris VII, un Institut de la Pensée contemporaine sur la base de l’article 38 de la Loi n°84-52 du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur. Cet Institut regroupa en son sein plusieurs Centres dont le Centre d’études du vivant. Intégré depuis mai 2002 à cette structure, le Centre en a suivi le destin administratif à travers les recompositions qui ont marqué le paysage universitaire de l’Île de France ces dernières années. C’est ainsi que depuis 2018, le Centre d’études du vivant s’est trouvé intégré à l’Institut des Humanités, Sciences et Sociétés, devenu une UFR de l’Université Paris Cité. C’est maintenant dans le cadre de cette structure que le Centre va déployer ses activités.

Ayant participé à cette aventure intellectuelle exceptionnelle depuis ses origines, nous espérons qu’elle se poursuivra avec la même ferveur qu’à ses débuts et la même vocation à favoriser les échanges entre toutes les disciplines universitaires autour des thèmes centraux qui sont au cœur des préoccupations contemporaines.

Monique David-Menard & Monique Chemillier-Gendreau

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